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La lutte contre la corruption au Bénin, notamment l’option faite par le chef de l’Etat de la prévenir en mettant en place un Haut-Commissariat à la prévention de la corruption (Hcpc), s’est invitée dans l’entretien exclusif du Professeur Théodore Holo à Africa Dev News. Lire l’opinion de l’ancien Président de la Cour constitutionnelle du Bénin
Africa Dev News : Au-delà de la lutte contre la corruption, puisque vous en parlez, le chef de l’Etat veut prévenir la corruption en nommant même un Haut-Commissaire à la prévention de la corruption. Est-ce que le chantier sera facile pour lui.
Professeur Holo : Je crois qu’il y avait eu des structures comme le Fonac, l’Autorité nationale de lutte contre la corruption…, qui faisaient un travail de sensibilisation. Il y aussi un travail d’éducation que nous devons avoir. Par exemple quand nous, nous étions à l’école chez les catholiques (c’est en Terminale que je suis allé au Lycée Béhanzin), nous avons appris ‘’tu gagneras ton pain à la sueur de ton front’’. Ce qui veut dire que le bien public ne t’appartient pas, tu vis de ton salaire. D’où les gens qui ont été formatés dans cette culture sont frileux du bien public. Ils se disent : ‘’est-ce que je le mérite ?’’.
Ainsi, pour des gens de ma génération qui ont pu faire des réalisations, ils ont eu à le faire sur des prêts, sur la base de leur salaire ou de leur travail. C’est une question de culture mais cela est aussi le reflet de l’absence de l’esprit civique dans notre pays. Généralement pour se faire élire, on distribue de l’argent. Or, celui qui a distribué de l’argent, il pense qu’il a fait un investissement. Une fois au pouvoir, il faut qu’il rentabilise ou récupère son investissement. Celui qui a élu quelqu’un s’est contenté de ce qu’on lui a donné en oubliant que celui qu’il a élu c’est pour qu’il puisse travailler pour son bien-être. Mais une fois que vous êtes élu, on ne vous voit plus.
Je raconte toujours cette anecdote du président Soglo dans une salle à Cadjèhoun (Cotonou). Faisant campagne pour sa réélection en tant que maire, il disait à ceux qui étaient là, ne prenez pas l’argent des autres candidats. Il a dit ça trois fois, salle silencieuse. Il a dit ensuite prenez leur argent mais votez pour qui vous voulez, on entend : « voilà, c’est maintenant que vous parlez juste » (en langue locale Fon). Ce qui veut dire que certains sont habitués ou s’attendent à avoir de l’argent pendant la campagne. Ils se disent : « une fois qu’ils seront là-bas, on ne va plus les voir ; ils y vont pour se servir.». Nous les autorisons donc à se servir. Ce faisant, est-ce que nous avons encore le droit de leur interdire de se servir ? Si nous refusons leur argent, nous serons exigeants quant à l’utilisation de l’argent public ; ceci pour le bien de tous et non le pour le bien de quelques-uns. C’est une question de culture, mais ça viendra.
Finalement, la prévention de la corruption : un chantier très difficile ou un travail de longue haleine ?
C’est un travail de longue haleine, c’est une question d’éducation. Ce n’est pas parce qu’on a dit prévention que cela va se faire du jour au lendemain. Il faut que cela soit dans nos gênes, dans notre ADN. C’est à travers l’éducation depuis la base.
Donc il faut partir des écoles!
C’est dans les écoles qu’il faut commencer. Ce n’est pas à des gens qui sont déjà formatés que vous allez apprendre cela. Ils y ont déjà pris goût.
Propos recueillis par Jacques BOCO